« Plus rien n’empêche l’entrée en vigueur de la loi anti-fake news. Après une présentation très médiatisée et de premiers débats animés en juin dernier, le texte a été discrètement adopté par le Parlement le 20 novembre puis publié au journal officiel ce 23 décembre. Entre-temps, le Conseil constitutionnel, saisi par des parlementaires de gauche, l’avait validé le 20 décembre. Cette loi, votée après six mois de laborieuses discussions parlementaires – le Sénat l’a rejetée à deux reprises –, prévoit trois dispositions contre la “manipulation de l’information”. »
D’abord, un élu ou un citoyen pourra saisir en urgence un juge dans les trois mois précédant une élection pour faire cesser la diffusion d’une infox (traduction de fake news que préconise la Commission d’enrichissement de la langue française). Le magistrat devra décider en 48 heures si cette information est “manifestement fausse et diffusée de manière délibérée, massive et artificielle”, selon la définition un peu vague donnée par les parlementaires. (Source : Le Parisien)
À l’occasion de l’application de la nouvelle loi sur les fake news, qui entre en vigueur dans les trois mois précédant une élection (puisque les élections ont lieu le 26 mai 2019, nous y sommes depuis le 26 février 2019), nous avons exhumé le rapport qui sert de socle technique et politique à la contention, à la répression et à l’éradication de l’information non oligarchique sur l’Internet. Bien sûr, il n’est pas question d’« information non oligarchique » mais de fausses nouvelles, de désinformation ou de contre-information.
Il s’agit d’un rapport franco-européen datant d’août 2018 qui émane de deux officines peu connues du grand public, le CAPS et l’IRSEM. Nous verrons à quoi correspondent réellement ces masques.
Un article de Télérama disait que le visage hideux du fascisme était apparu soudainement en France le 21 avril 2002. Or le fascisme, le vrai, pas le fascisme de théâtre, c’est celui qui va suivre.
Le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS), créé en 1973, est rattaché au ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Composé d’une vingtaine d’experts, diplomates ou universitaires, il produit, pour le ministre et pour les autorités françaises, des analyses transdisciplinaires et prospectives des évolutions de moyen et long termes de l’environnement international et présente des recommandations politiques et des options stratégiques sur la politique étrangère, sur la base de sa propre réflexion et de son interaction avec le monde des think tanks et de la recherche universitaire en relations internationales.
L’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM), créé en 2009, est un institut de recherche du ministère des Armées. Composé d’une quarantaine de personnes, civiles et militaires, dont la plupart sont titulaires d’un doctorat, il est le premier centre de recherche en études sur la guerre (War Studies) dans le monde francophone. En plus de conduire de la recherche interne (au profit du ministère) et externe (à destination de la communauté scientifique) sur les questions de défense et de sécurité, l’IRSEM apporte un soutien aux jeunes chercheurs (la « relève stratégique ») et contribue à l’enseignement militaire supérieur et au débat public.
On le voit déjà, ce qui va suivre ne vient pas d’en bas mais d’en haut. Les 214 pages de ce rapport oligarchique contiennent tellement d’injonctions, de trappes et de conséquences dans le domaine de l’information qui nous concerne au premier chef, que nous allons l’analyser dans le sens de la lecture. L’introduction du rapport ne laisse aucune place au doute : ils sont la démocratie, nous sommes l’anti-démocratie.
Notre enquête est le produit d’une prise de conscience en deux temps du danger – existentiel – que les manipulations de l’information font peser sur nos démocraties. D’abord, les ingérences répétées qui se sont produites depuis 2014 (Ukraine, Bundestag, référendum néerlandais, Brexit, élection américaine) ont prouvé que les démocraties occidentales, même les plus grandes, n’étaient pas immunes. Ensuite, la tentative d’ingérence dans l’élection présidentielle française de 2017, avec l’affaire dite des « Macron Leaks », a achevé d’intéresser la France et nous a convaincus de l’importance d’étudier le sujet. En septembre 2017, nous avons donc décidé, de notre propre initiative, de constituer un groupe de travail réunissant quelques membres du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) du ministère des Armées, initialement pour envisager l’opportunité d’une cellule interministérielle de lutte contre les manipulations de l’information, mais plus fondamentalement pour étudier le problème, ses causes, ses conséquences et ses solutions.
Après le constat, le modus operandi :
Au cours des derniers mois, nous avons donc visité vingt pays (Allemagne, Autriche, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, Estonie, États-Unis, Finlande, Italie, Japon, Lettonie, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Royaume-Uni, Russie, Singapour, Suède, Ukraine) et trois organisations (UE, OTAN, OSCE). Nous y avons conduit une centaine d’entretiens avec les autorités (ministères des Affaires étrangères, de la Défense et services de renseignement) et des représentants de la société civile (universitaires, think tanks, ONG, journalistes), pour savoir quelles étaient leur perception de la menace et les contre-mesures mises en place. Nous avons aussi mené des entretiens en France, avec les autorités, la société civile et des acteurs privés, et travaillé à partir de la littérature scientifique disponible, dont un aperçu se trouve en bibliographie.
On le voit, la société civile, et encore plus les acteurs majeurs de l’Internet non alignés, n’ont pas été interrogés pour cette étude, qui est donc partiale. Mais la conclusion de l’introduction désigne le vrai péril :
Nous avons produit une quinzaine de notes internes pour les ministères et services concernés, une note publique et plusieurs événements dont un cycle de séminaires à l’IRSEM sur les « guerres de l’information » et un colloque international organisé par le CAPS, ouvert par la ministre de la Culture et clos par un discours du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères qui reste à ce jour l’expression officielle la plus précise sur le sujet.
Il s’agit donc d’une guerre, celle de l’information, qui passe par l’Internet. Dans cette guerre, il y a les bons et les méchants. On devine que les auteurs du document se situent du bon côté de l’info, le côté occidental, oligarchique, OTANesque. Dès lors, tout est biaisé, toute la démonstration qui va suivre s’effondre puisqu’il n’y a plus d’impartialité, de neutralité. Juges et arbitres, les 20 auteurs du rapport établissent une hiérarchie définitive entre l’information officielle – occidentale, oligarchique, OTANesque – et l’information alternative, dangereuse, déstabilisante, désinformatrice. Or la définition de la démocratie, entre autres, inclut la tolérance envers les opinions et les interprétations différentes, si bien sûr elles ne contreviennent pas à la loi (dans ce cas il faut changer la loi). Nulle trace de tolérance dans les 214 pages, il s’agit d’une guerre et cette guerre doit être gagnée, fût-ce au prix de la démocratie… que les auteurs sont censés défendre !
Comment fustiger les manipulations politiques des producteurs de désinformation quand on sait qu’il s’agit d’un pléonasme, car toute politique ou toute opinion diffusée est par définition manipulatoire, destinée à influencer, vaincre son adversité ? C’est l’objectif numéro un de tout émetteur d’information, qu’il soit de France Inter ou d’E&R ! Gagner les têtes, gagner ce combat fondamental pour conserver, prendre ou augmenter son pouvoir. Si prendre le pouvoir informationnel est désormais interdit, parce que le pouvoir en place serait parfait, qu’on nous le dise.
Pour discréditer l’information non conventionnelle, comme les armes du même nom, les deux officines à l’origine du rapport brandissent l’outil fraîchement légalisé des « fake news ». Dont voici leur définition :
Diffusion intentionnelle et massive de nouvelles fausses ou biaisées à des fins politiques hostiles. Ce rapport s’intéresse avant tout aux manipulations de l’information d’origine étatique et visant à fragiliser ou à déstabiliser le débat démocratique dans d’autres États.
La finesse consiste à être en opposition sans être « hostile » politiquement, pour ceux qui sont visés… Bon courage à tous les candidats. Pire que la fausse nouvelle, la nouvelle biaisée. Or que voit-on dans les JT officiels du matin au soir ? De l’info biaisée, de l’analyse au ras des pâquerettes, de l’absence de profondeur politique, du refus de toute globalité, de l’interdiction de concepts pourtant explicatifs (les réseaux de pouvoir, les lobbies)… Mais le rapport a l’honnêteté d’admettre que la définition peut être privatisée :
Le terme est devenu tellement galvaudé qu’il en vient parfois, et même chez certains chefs d’État, à désigner l’ensemble des nouvelles qu’ils n’aiment pas, et finalement à incarner une forme de populisme hostile à la liberté de la presse.
On l’a compris : l’accusation de fake news ne peut provenir que de médias ou de politiques qui sont du « bon » côté de l’information. Le rapport répond alors à ce qui pourrait lui être reproché, c’est-à-dire ne viser que les ennemis de sa définition de la démocratie. Autrement dit, les Russes ont-ils le droit de rechercher de l’influence à travers leur diplomatie ou leurs médias ? La réponse ne manque pas de piquant :
L’« influence » et la « diplomatie publique » sont également très larges et, surtout, elles ne sont pas en soi problématiques – tous les États qui en ont les moyens ont des stratégies d’influence servies notamment par une diplomatie publique. Cela permet de répondre à l’argument commun selon lequel RT et Sputnik, par exemple, ne sont que les équivalents russes des grands médias occidentaux. La rédactrice en chef de RT répète que « Nous ne donnons pas le point de vue du Kremlin mais celui de la Russie, comme France 24 ou la BBC, qui montrent les valeurs de la France et de la Grande-Bretagne, ou Al-Jazeera pour le monde arabe ». Or, ce qui est reproché à RT et à Sputnik n’est pas de faire de la diplomatie publique, mais de manipuler l’information, ce qui n’est pas la même chose.
- La désinformation vient de Russie
Mais qui ne manipule pas l’information ? Toute politique est manipulation, par la ruse ou par la force, par les alliances ou les oppositions. Quid de la diplomatie secrète ? Des complots ? Du renseignement ? Ces sujets essentiels ne sont pas abordés dans le rapport, comme s’ils n’existaient pas. La désinformation ne peut venir que des mauvais États et des mauvais esprits :
Ne serait-ce qu’au XXe siècle, la désinformation a une longue histoire, dont les Protocoles des Sages de Sion (1901) constituent un premier exemple fameux.
Et le département Désinformation du Mossad ?
Le prétexte démocratique des auteurs du rapport est tout trouvé :
Tous les sondages confirment qu’il est une préoccupation majeure pour les populations, les journalistes, les ONG et les gouvernements dans le monde entier, qui reconnaissent les dommages que ces manipulations peuvent causer à la société.
Des sondages biaisés qui font dire ce qu’ils veulent aux sondés – qui ne sont jamais plus de 1 000 – grâce à un système de questions orientées. Quant à affirmer que le phénomène des fake news est une « préoccupation majeure » des populations, c’est aller vite en besogne : les gens aujourd’hui s’informent deux fois plus par eux-mêmes sur l’Internet que par les voies officielles et à ce titre, oui, le phénomène des FN (fake news) est une préoccupation majeure des journalistes qui sont débordés ! La façon de considérer ce renversement prouve l’entêtement et l’aveuglement oligarchiques :
Il peut être utile de rappeler que les manipulations de l’information, toutes virtuelles qu’elles peuvent paraître, ont de nombreux effets bien réels, et parfois physiques. Ne serait-ce que ces dernières années, elles ont interféré dans plusieurs processus démocratiques majeurs, dont les élections présidentielles des plus grandes puissances mondiales, et ont déstabilisé de grandes entreprises du numérique. Elles ont divisé les opinions publiques, semé le doute quant à la véracité des informations délivrées par les médias de référence, renforçant le rejet dont ces derniers peuvent faire l’objet.
- Les effets bien réels de la manipulation de l’information
Le doute est semé, et il n’a pas fini de germer. Qui peut croire qu’un internaute qui se fait sa propre opinion sur l’Internet va couper son ordinateur pour retourner acheter un journal en kiosque ? Personne. Pas même les auteurs du rapport. Et les menaces d’un président de la République – qui on le rappelle a été élu grâce à une désinformation massive de la presse officielle (récompensée en subventions) – n’y changeront rien. Extrait du discours d’Emmanuel Macron à l’occasion des vœux à la presse, le 4 janvier 2018 :
« Ne croyons pas que cela ne fonctionne pas. Nous savons que cela fonctionne, nous l’avons vu à l’oeuvre à l’étranger mais aussi en France. Le processus démocratique s’en trouve profondément altéré parce que l’indignation que suscitent ces fausses nouvelles est éruptive et prend le dessus sur la réflexion. Et c’est d’ailleurs le pari en quelque sorte anthropologique qui est fait par ceux qui manipulent ces canaux. […] Des barrières ont été érigées mais les campagnes présidentielles d’à peu près toutes les démocraties contemporaines ont montré la faiblesse de celles-ci et notre incapacité collective à apporter des réponses qui sont à la hauteur aujourd’hui des menaces. »
Notre conclusion intermédiaire
La désinformation est ce qui s’oppose à leur propagande, c’est-à-dire à la désinformation officielle. Il y a donc une bonne et une mauvaise désinformation. Au final, on comprend que toute information est une désinformation. Le concept de désinformation n’a plus de sens en soi, ou alors un sens politique.
Le chapitre suivant s’attaque plus précisément aux dangers de la désinformation.
D’une part, un effet direct. La question est de savoir si les manipulations peuvent convaincre de nouvelles opinions ou si elles ne font que conforter des opinions existantes. De notre enquête, il ressort que l’effet de ces manipulations ne serait pas de changer les opinions mais de semer le doute et la confusion et, parfois, d’encourager le passage à l’acte, c’est-à-dire de transformer une conviction passive en une conviction active, et donc un agissement – de manière similaire au processus de radicalisation.
L’acte en question peut être un vote.
D’autre part, un effet indirect qui est de générer chez les gouvernants une tentation liberticide. Cela pourrait être le véritable effet final recherché par les puissances étrangères à l’origine des manipulations de l’information : non pas tant de convaincre la population de tel ou tel récit que d’inciter les gouvernements à prendre des mesures contraires à leurs valeurs démocratiques et libérales, ce qui suscitera des réactions (d’une autre partie de la classe politique et de la société civile) et in fine contribuera à approfondir les divisions de la société. D’où l’importance pour l’État de bien doser ses efforts de contre-désinformation, dans le respect des libertés publiques.
- Ici l’État prend soin de bien doser ses efforts de contre-désinformation
Les mots sont importants : un consommateur d’information lambda qui trouverait une interprétation de l’actualité ou d’un événement différente sur l’Internet serait donc la proie d’un processus potentiel de « radicalisation ». On croirait lire du Gilles Kepel qui voyait une congruence entre Soral et les djihadistes de Daech. Quant aux efforts de contre-désinformation de l’État, ils sont voués à l’échec : tout ce qui vient d’en haut aujourd’hui déclenche une levée de boucliers en bas. Ce que le rapport n’omet pas. Ce problème de crédibilité oligarchique fait d’ailleurs l’objet de tout un chapitre.
Ensuite, nous avons droit à un exercice de haute voltige d’inversion de l’inversion accusatoire, avec une dose de mépris intellectuel de classe en passant :
La désinformation exploite une paresse intellectuelle naturelle, qui consiste à ne pas exercer son esprit critique de manière systématique, et à relayer des propos naïvement sans chercher à les étayer par des preuves. Les conspirationnistes demandent qu’on leur fournisse la preuve que leurs théories sont inexactes et farfelues, à rebours du travail journalistique. Comme le rappelle Emmanuel Macron, « la charge de la preuve est inversée : là où les journalistes doivent prouver sans cesse ce qu’ils disent – ce qui est l’éthique même de leur métier, ils doivent montrer qu’ils disent ou écrivent le vrai –, les propagateurs de fausses nouvelles crient à la face du monde : “À vous de prouver que nous avons tort !” ».
Afin d’appuyer la thèse oligarchique, on fait appel au philosophe indéterministe Karl Popper qui militait objectivement pour un contrôle politique du peuple :
Le complotisme avait été bien décrit par le philosophe Karl Popper au début des années 1960 : « Il existe une thèse, que j’appellerai la thèse du complot, selon laquelle il suffirait, pour expliquer un phénomène social, de découvrir ceux qui ont intérêt à ce qu’il se produise. Elle part de l’idée erronée que tout ce qui se passe dans une société, guerre, chômage, pénurie, pauvreté, etc., résulte directement des desseins d’individus ou de groupes puissants. »
- Ah, enfin un vrai complot !
Personne n’a dit que tout ce qui advenait était provoqué par des desseins de groupes plus ou moins cachés, mais que cela était la définition même de la politique avec une vitrine propre et des arrière-cuisines plus obscures. Personne ne dévoile jamais sa stratégie, mais tout le monde peut en voir les effets. Et il n’est pas interdit de relier des effets à des facteurs selon les intérêts d’un système donné. Popper, sans le vouloir, ou en le voulant, niait le concept d’ingénierie sociale avant l’heure.
Les conspirationnistes posent une difficulté spécifique car ils sont particulièrement résistants aux tentatives de démythification (debunking), surtout si elles viennent de l’État : le conspirationnisme consistant à attribuer à certaines personnes le pouvoir démesuré de dissimuler leurs actions, ces tentatives sont d’emblée absorbées comme faisant partie du complot.
Le rapport insiste sur le fait qu’il est difficile de retourner un conspirationniste : par définition, toute tentative de le raisonner conduit à un renforcement du doute, et donc de la théorie de la conspiration. Ce qui n’est pas faux. Qui peut empêcher un imbécile de voir des Martiens partout, des Reptiliens dans le gouvernement ou des Illuminatis sous son lit ? Mais la question n’est pas là : elle est plutôt qui sont les ministres redevables à des groupes de pression ou à des réseaux occultes, qui ne disent pas leur nom et leurs objectifs ?
Ces complotistes ne sont pas venus de nulle part : ils sont la conséquence d’une propagande et d’un mensonge massifs de la part des responsables politique de l’information. En gros, les médias ont créé des mutants immunisés au poison des médias.
Le rapport critique la remise en cause de la vérité (officielle), mais c’est le principe d’Heisenberg appliqué à l’information et donc à la politique. Or la domination de l’élite en place est fondée sur une vérité, un discours officiel qui, s’ils sont remis en cause, remettent en cause l’autorité et la légitimité « divines » de l’élite. C’est ce que le rapport appelle « la crise de confiance dans les institutions », qui sont autant de forts avancés de la domination – justice, police, politique, médias… – en territoire désormais hostile. Les valeurs dites démocratiques sont remises en question, car elles servent le haut mais pas le bas. On le voit avec la paupérisation progressive, l’immigration forcée, le chômage de masse, la confiscation des médias et de la parole publique par des entités privées et non pour le bien public ou le plus grand nombre. C’est la définition de l’oligarchie.
Dans cette optique et sur ces bases mouvantes, la critique de la crise de la presse ne peut être que faussée.
- La presse ou le prestige de l’écrit
La crise du modèle économique est ancienne et principalement due à la baisse des revenus publicitaires de la presse concurrencée d’abord par la télévision, puis par internet. Le passage au numérique ne compense pas automatiquement dans la mesure où la publicité numérique est moins rémunératrice que l’imprimée et la télévisuelle. Beaucoup d’agences et d’organes de presse ont donc dû licencier un certain nombre de journalistes, les plans sociaux s’enchaînent et certains titres ferment. Cette précarité les rend plus vulnérables aux manipulations de l’information, puisqu’il y a moins de personnes et de temps pour les détecter, et un primat de la quantité sur la qualité.
Une explication incroyable : la baisse de qualité de l’information, la surdose de propagande et l’uniformisation de la pensée médiatique sont tout bonnement oubliées.
Quant à la crise des normes, elle est principalement due à l’essor des médias sociaux (voir infra), dont le pouvoir égalisateur permet à n’importe qui de diffuser des informations qui ne respectent pas les standards journalistiques, et de propager des discours parfois extrêmes et haineux, comme le font les trolls (voir infra). Là aussi, toutefois, il y a des raisons d’espérer, car ces excès créent une fatigue de la population et poussent les médias sérieux désireux de montrer leur valeur ajoutée à développer davantage de normes (voir infra) et à valoriser l’investigation, des enquêtes longues, poussées, parfois collaboratives.
Où ont-ils vu de « l’investigation » sérieuse dans les médias dominants ? Le problème de l’investigation sérieuse, et c’est pourquoi elle a quitté la presse qu’elle dérangeait pour l’édition, qui ne demandait pas mieux, c’est qu’elle conduit irrémédiablement à des intérêts cachés. Et ça, la presse, soumise à des intérêts économiques ou politiques majeurs, ne peut pas se le permettre. On rangera le « n’importe qui » dans le tiroir du mépris de classe… La suite est du même tonneau sous le titre « infosaturation et infobésité » :
Or, la surcharge d’information contribue à la désinformation via la déconcentration, qui affaiblit notre vigilance et notre capacité d’envisager des réfutations. Ce n’est au fond que l’application aux réseaux sociaux d’une thèse bien connue des psychologues dans le monde physique : trop d’informations nuit à la prise de décision ; l’horizontalité des médias sociaux permettant à chacun de diffuser des contenus à tout le monde sans passer par des instances de contrôle éditorial…
Confirmation qu’en haut lieu, on a beaucoup de mal à se faire à la démocratisation de l’information, de sa diffusion et de ses sources. Et à la conscience montante des consommateurs-producteurs d’information non conventionnelle. On l’a vu avec des interventions de Gilets jaunes qui ont laissé pantois des animateurs socio-culturels.
Comme le résume Ben Nimmo, « la diffusion des technologies de publication numérique a rendu plus facile de créer de fausses histoires ; Internet a rendu plus facile de les publier ; et les réseaux sociaux de les diffuser ». Déjà en 2005, avant l’essor des principaux réseaux sociaux numériques, on pouvait écrire que « chacun est un reporter ». Cette tendance n’a fait que s’accentuer.
Le plus étonnant est que les auteurs de ce rapport l’ont écrit en imaginant défendre la démocratie contre les fausses nouvelles et les manipulations de l’info. Et voilà qu’ils dénoncent la démocratisation de l’info… Il ne s’agit ni d’anarchie ni de chaos mais bien qu’une structuration de l’information par les gens et pour les gens, sans passer par la case des intérêts oligarchiques. Les réseaux sociaux sont sur la sellette :
Ce problème de « bulles filtrantes » amplifie nos biais sociologiques et cognitifs, en particulier notre « biais de confirmation » : nous n’aimons pas être contredits, et les algorithmes de création de contenus des plateformes s’assurent que nous ne le soyons pas, en nous fournissant des informations qui nous confortent dans nos opinions. La révolution numérique contribuerait ainsi, paradoxalement, à nous refermer sur nous-mêmes. Ce phénomène a contribué aux « surprises » politiques de l’année 2016, le fait que personne ou presque ne semble avoir anticipé le Brexit ni l’élection de Trump.
L’explosion des sources d’information et de leurs canaux de diffusion revient donc, dans leur esprit, à « nous refermer sur nous-mêmes ». Ils ne voient pas que la fermeture est justement le fait du système actuel, en bout de course, à bout de souffle, qui cherche à bloquer toute évolution alternative, ce qui est un pléonasme.
Cela déclenche une course à la capture de l’attention. Les plateformes investissent des sommes colossales pour étudier nos mécanismes attentionnels et les failles de notre volonté. Pour l’ensemble de ces raisons, l’éthique journalistique, la traçabilité des sources, la vérification des faits sont sacrifiées sur l’autel de la viralité. Cette course au nombre de pages vues, pour augmenter à la fois les revenus publicitaires et l’attractivité du point de vue des investisseurs, gangrène les entreprises de presse, aux dépens du journalisme sérieux. Elle favorise les titres racoleurs, le sensationnalisme, même des pièges à clics (clickbait), au détriment de la vérité.
- Journaliste sérieux
Comme si l’Internet avait inventé le racolage ! On saute le chapitre à la limite du grotesque sur Daech et on passe aux États voyous qui désinforment, sans la moindre ligne sur le monstre NSA, la plus grande entreprise de trollage et de contrôle au monde ! Pour moraliser tout cela, et se baser sur des chiffres, le rapport cite les ONG qui seraient indépendantes des pouvoirs publics, des États et de leurs intérêts, sans parler des lobbies ! Naturellement, le viseur est sur la Russie :
Ce n’est pas faire preuve de « russophobie » que de constater que toutes les ingérences récentes dans des référendums (Pays-Bas, Brexit, Catalogne) et des élections (États-Unis, France, Allemagne) sont liées, de près ou de loin, à la Russie.
Le danger daechien étant éliminé, on ressort le danger russe des tiroirs ! Le rapport titre allègrement « une tradition soviétique ». Logiquement, la tentative de désencerclement OTANesque de la Russie est requalifiée en agression :
Le mouvement Maïdan et la chute du régime Ianoukovitch en Ukraine ont ensuite été perçus comme un revers par le Kremlin, qui voyait arriver à proximité immédiate de ses frontières, qui plus est en Ukraine, le phénomène de regime change, nécessairement inspiré, selon Moscou, par les Occidentaux. Ce traumatisme explique pour partie l’intervention militaire en Ukraine, d’abord en Crimée puis dans le Donbass. Il explique également l’intensité de la guerre informationnelle menée par la Russie dès le début de la crise ukrainienne.
En dépit du dispositif déployé, dont on exagère souvent les capacités, la « guerre informationnelle » russe se heurte à plusieurs limites structurelles. D’abord, la démocratisation de l’information grâce à Internet, surtout dans les pays démocratiques, crée une concurrence féroce pour les grands médias russes : en termes d’audience, à la télévision ou même sur les réseaux sociaux, RT reste bien en deçà de la BBC, de CNN ou d’Al-Jazeera. Cependant, cette même démocratisation de l’information, qui est ambivalente, crée aussi davantage de relais et de moyens d’atteindre certaines audiences, et rend la désinformation plus facile.
- Vlad, l’unique présentateur de Poutine TV
S’ensuit une démolition en règle des médias russes, de l’État russe et des intérêts russes, un rapport russophobe jusqu’à la nausée ! Le comble étant évidemment la nazification de la Russie dans le sous-chapitre « les réponses à la désinformation d’État étranger » :
Les États-Unis utilisent le Foreign Agent Registration Act, une législation datant des années 1930 et initialement adoptée pour contrer la propagande nazie, afin de forcer les entités se livrant à de l’information politique et financées par un agent étranger à se présenter comme telles et à faire état de leurs relations financières avec l’étranger. En application de cette législation, le département de la Justice a demandé à RT America et à Sputnik de suivre cette procédure d’enregistrement, ce qu’ils ont fait malgré les protestations de Moscou.
Pas un mot sur, par exemple, la désinformation sioniste dans les médias, la politique et le cinéma. On revient deux minutes, mais deux minutes irrésistibles, sur Daech :
L’appareil institutionnel américain a offert pendant toute la période de la guerre froide une architecture de réponse aux manipulations de l’information soviétiques des plus abouties. La lutte contre la désinformation et « les mesures actives » du Kremlin est devenue une priorité pour la sécurité nationale américaine au début des années 1980. Cette organisation a été démantelée après la chute du mur et s’est militarisée après le 11-Septembre dans le cadre de la longue guerre contre la terreur. Depuis les attentats de septembre 2001, en l’absence d’un arsenal de diplomatie publique similaire à celui opérant lors de la guerre froide et, pour faire face à la principale guerre idéologique menée par les groupes djihadistes Al-Qaïda puis Daech contre les États-Unis, les capacités de riposte américaines en matière de contre-propagande se sont essentiellement organisées autour des IO (Information Operations) et des actions de contre-propagande militaire.
En juillet 2018, la NSA et le Cyber Command annonçaient qu’ils allaient désormais travailler ensemble pour lutter contre le risque d’ingérence russe, en vue des élections de mi-mandat de novembre. Reconnaissant le manque de coordination du dispositif américain, le général Paul Nakasone, commandant du Cyber Command et directeur de la NSA, a déclaré « faire ce qu’il pouvait » en l’absence d’« une approche globale dirigée par le Président ou la Maison-Blanche ».
Le rapport veut nous faire croire à la nuisance de la désinformation de Daech... qui remplace l’ogre soviétique. La fin programmée de l’État islamique – ce proxy de l’Empire qui a raté son coup – relance la russophobie du pouvoir profond US qui a absolument besoin d’un ennemi pour augmenter sa puissance ainsi que la paranoïa médiatique. La lutte contre l’État russe en général et ses chaînes dites de propagande en particulier fait l’objet d’un chapitre à part que nous développerons une autre fois. Il en ressort une congruence très nette entre les objectifs de l’OTAN et ceux des officines à l’origine du rapport. Le lien n’est même pas caché.
- Désormais il faudra aussi décoder les décodeurs
Après avoir posé le problème, puis dénoncé les ennemis de la bonne information, le rapport passe aux solutions. Dans ce domaine, le développement du fact checking ou vérification des faits serait nécessaire mais pas suffisant. Effectivement, quand on voit la posture ridicule des Décodeurs du Monde ou du ChekcNews de Libé… C’est l’oligarchie qui organise elle-même le tribunal de l’information ! Les procès de Moscou n’ont malheureusement pas donné les résultats – toujours des condamnations – espérés.
Le rapport prend très au sérieux la montée de la « désinformation » qui n’est que l’euphémisme de perte progressive de pouvoir et de contrôle médiatique sur les masses. Mais désinformation c’est plus court, plus confortable et surtout, ça exonère le pouvoir central. Le flop des tribunaux de l’information n’a pas arrêté les auteurs du rapport qui préconisent un « étiquetage » de l’info.
Nous consommons des informations comme nous consommons de la nourriture. Les deux sont potentiellement bénéfiques et néfastes. Il faut donc faire un tri. De ce point de vue, la lutte contre les manipulations de l’information peut s’inspirer de l’étiquetage nutritionnel. C’est ce que certains appellent le « modèle Michelin » : des labels, index et classements permettant de distinguer les médias sérieux des autres. En 2014 déjà, Pomerantsev et Weiss recommandaient la création d’un classement international de la désinformation s’inspirant de la méthodologie des classements de Freedom House ou Transparency International.
Plusieurs initiatives sont en cours, dont un projet d’index global (disinformationindex.com). La plus prometteuse est sans doute l’initiative pour la confiance dans le journalisme (Journalism Trust Initiative) de Reporters sans frontières (RSF). Le président Macron l’avait évoquée pour la soutenir dans ses voeux à la presse du 3 janvier 2018 (« une forme de certification des organes de presse respectant la déontologie du métier me paraît à cet égard non seulement intéressante, mais souhaitable »). RSF l’a officiellement lancée trois mois plus tard, le 3 avril, avec ses partenaires, l’agence France-Presse, l’Union européenne de radio-télévision et le Global Editors Network. Plutôt que d’identifier et blâmer les désinformateurs, il s’agit de « renverser la logique en donnant un avantage réel à tous ceux qui produisent des informations fiables, quel que soit leur statut », explique son secrétaire général Christophe Deloire, et de décerner un label de qualité aux médias qui le méritent, c’est-à-dire qui respectent un certain nombre de critères tels que l’indépendance éditoriale, la transparence ou la déontologie. Les médias seraient alors incités à les satisfaire afin de rasséréner les annonceurs publicitaires qui recherchent des environnements stables et non contestés. Les plateformes digitales pourraient, à terme, décider de valoriser les contenus de qualité en mettant en avant dans leurs algorithmes les médias certifiés. L’approche de RSF se veut donc incitative.
- Un logo sinistre, surtout quand on voit les sponsors...
Autant dire que ce genre d’initiative infantilisante est vouée à l’échec. En associant des officines de l’OTAN (la division « communication stratégique » du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), l’East StratCom Task Force, ou le centre du renseignement INTCEN cités dans le chapitre antirusse) à la « défense » des médias, le rapport tombe dans ce qu’il est censé dénoncer. À la fin, des scénarios sont imaginés comme dans tout rapport militaire qui se respecte. Quand on découvre les scénarios, on mesure la lourdeur des intentions oligarchiques :
Scénario 4 – Des attaques ciblant expressément la France ont lieu afin d’affaiblir le gouvernement en créant un ou plusieurs scandale(s) politique(s) majeur(s). Une campagne malveillante contre un membre particulier du gouvernement est lancée à partir d’une affaire préexistante ou montée de toutes pièces, à fort impact médiatique (évasion fiscale, corruption, harcèlement ou scandale sexuel). On voit également surgir une campagne momentanée contre les réformes institutionnelles du gouvernement, qui mettra en cause le gouvernement dans son ensemble et engagera sa responsabilité en jouant sur la charge émotionnelle de certains mécanismes (usage du 49.3, ordonnances, fausses feuilles de route, etc.).
On sent que ce scénario constitue une prémunition contre un éventuel scandale existant… Le scénario 3, lui, dévoile l’idéologie européiste :
Plusieurs campagnes de manipulation de l’information ont lieu afin de renforcer les tensions entre les États membres de l’UE. L’une s’attaque au contenu des rencontres du groupe de Visegrád, attribuant aux pays de l’Est des intentions qu’ils n’ont pas en réalité – notamment sur des questions de gouvernance démocratique « illibérale » ou sur des enjeux de positionnement différencié en politique étrangère – et renforçant la défiance grandissante entre l’Est et l’Ouest de l’Europe à l’approche des élections. L’autre s’en prend au leadership et à la volonté de réforme du couple franco-allemand, et fait rejouer les tensions intra-européennes apparues lors de la crise de l’euro, en répandant de prétendues velléités de mettre au pas les États membres d’Europe du Sud (Italie, Espagne, Portugal, Grèce), notamment sur les questions de gouvernance monétaire et de rationalisation de la dépense publique.
Est-ce vraiment un scénario ou une manière de présenter la réalité des inégalités européennes ? Une réalité que l’Union a de plus en plus de mal à cacher ? On termine, parce que c’est long, sur les recommandations aux États.
- On souligne le nos de nos démocraties
Avoir une empreinte légère. Le premier rempart contre les manipulations de l’information, dans une société démocratique et libérale, doit rester la société civile (les journalistes, les médias, les plateformes numériques, les ONG, etc.).
Quel flair : tout ce qui est rejeté aujourd’hui !
La première des « recommandations pour l’État » est donc de conserver une empreinte légère – non seulement par conformité à nos valeurs, mais aussi par souci d’efficacité : l’une des causes du problème étant la défiance à l’égard des élites, l’approche « par le haut » a ses limites. Mieux vaut favoriser les approches horizontales, collaboratives, sollicitant la participation de la société civile.
Une stratégie de ruse et d’approche non frontale que l’on voit déjà à l’œuvre sur les réseaux sociaux amis (de l’oligarchie), qui le sont devenus (Facebook) ou qui sont en voie de le devenir (Twitter).
Seconde recommandation, et on arrêtera là, « sonder le web pour connaître les communautés propagatrices » :
Il est difficile d’anticiper la menace. Elle peut en revanche être détectée, et l’objectif est qu’elle le soit le plus tôt possible. Il faut pour cela poser des sondes dans des communautés à risque (extrémistes, conspirationnistes, religieuses, etc.). Ces sondes peuvent être des comptes passifs, qui ne font qu’écouter, ou actifs, qui participent. Des solutions techniques d’écoute des réseaux sociaux existent (DigiMind, AmiSoftware, Linkfluence, etc.). Les réponses officielles (sites, pages, comptes) ont une efficacité limitée. Les opérations clandestines (manipuler les manipulateurs) sont risquées car, si découvertes (et il est de plus en plus difficile de garantir qu’elles ne le seront pas un jour), elles peuvent décrédibiliser la source et conforter les conspirationnistes, donc renforcer ceux-là mêmes qu’il s’agissait d’affaiblir. Que faire alors ?
La première étape est d’effectuer un travail sur le web pour connaître les communautés propagatrices sur les réseaux sociaux : détecter les principaux acteurs (ce qui peut vouloir dire plusieurs choses : les plus suivis, les plus actifs, les plus connectés, les plus cités, etc.) ; déterminer le type de communauté, sa structure (est-elle centralisée, verticale, horizontale, tribale, etc. ?) et son esprit (est-elle coopérative ou compétitive ? la différence est importante car une communauté compétitive, dans laquelle les membres cherchent la reconnaissance des autres, ne sera pas affectée par le retrait d’un membre clé, un autre prendra simplement sa place). Ce travail de fourmi est important pour comprendre la propagation des messages et pouvoir anticiper et agir.
On peut ensuite
a) identifier les comptes à l’origine des manipulations et, au contraire, les comptes « amis » ou au moins neutres, rationnels, dotés d’une bonne audience ;
b) neutraliser les premiers (cyberattaques, suspension) et soutenir les seconds (par des offres de formation par exemple) ;
c) dévoiler la manipulation, nommer la source (naming and shaming) et discréditer le contenu de la fausse nouvelle – soit directement, officiellement, soit indirectement via les comptes « amis ».
Voilà ce qui se met aujourd’hui globalement en place et qui nous vise tout particulièrement.
Fin de la première partie.
La seconde partie de l’analyse de ce rapport démentiel et paranoïaque sera consacrée à la propagande oligarchique en direction des jeunes sur l’Internet.